Parlons franchement : l’amour, ce n’est pas toujours simple. Depuis de nombreuses années, le polyamour et les relations ouvertes ne sont plus tabous, et de nombreux couples sortent des sentiers battus. On imagine souvent ces relations comme des modèles de liberté, d’évolution, de dépassement des normes. C’est vrai, mais en partie. Il y a un invité surprise qui finit souvent par pointer le bout de son nez à un moment donné : la jalousie. Après avoir démarré une relation où l’on prône la fluidité et l’ouverture, se sentir jaloux peut être ressenti comme une incohérence avec les idées que l’on a nous-mêmes choisies. Pourtant, cette émotion est là, bien réelle, réveillant nos insécurités et pouvant aller jusqu’à détruire la relation. Alors, comment s’y prendre, est-ce normal de ressentir cela, et pourquoi cette jalousie apparaît-elle ? Voyons cela ensemble à travers cet article.
D’où vient la jalousie ?
Avant de commencer, définissons la jalousie et son origine. Contrairement à ce qu’on a tendance à penser, ce n’est pas une réaction possessive ou un caprice égoïste. Cette émotion englobe en vérité plusieurs ressentis tels que la peur, l’insécurité, la colère, la tristesse et la honte. Elle se manifeste lorsqu’une chose que nous valorisons est menacée par une personne ou une situation. C’est un signalement inconscient qui nous indique que nous sommes sur le point de perdre quelque chose de précieux. Ce sentiment est un fruit de l’évolution, qui aurait eu un rôle de protection de notre progéniture, de notre partenaire et de notre groupe. Elle nous a aidés à préserver des liens essentiels avec le groupe, et donc la survie.
Racines individuelles et culturelles.
Au niveau individuel, le sentiment de jalousie trouve souvent son origine dans l’enfance. Un enfant en manque d’attention, rejeté ou remplacé aura plus de chances de développer une sensibilité à la perte et donc, plus facilement, de la jalousie. Cette même jalousie se manifestera alors à l’âge adulte, dès que le sentiment de perte pointera le bout de son nez. Mais il faut aussi dire que la jalousie est implantée dans notre culture, notamment avec les schémas de couples où l’amour est synonyme d’exclusivité. Notre société valorise l’idée d’amour unique et total, ce qui rend la jalousie presque inévitable dès qu’on sort de ce cadre.
Pourquoi est-elle taboue dans les relations ouvertes ou polyamoureuses ?
Dans les couples dits vanille ou conventionnels, la jalousie n’est pas vraiment un tabou. C’est même un élément très commun qui est apparu au moins une fois dans presque tous les couples. Mais dans les relations dites fétichistes, ouvertes ou polyamoureuses, les valeurs sont à l’inverse de la jalousie. Dans ces types de relations, on valorise la liberté, la confiance et une autonomie émotionnelle. Donc être jaloux est incohérent si l’on a préalablement souhaité se lancer dans ce type de relation. C’est comme si on avouait qu’on est “trop classique”, voire inadapté à ce type de relation. Du coup, on préfère garder ça pour soi, quitte à risquer d’exploser intérieurement.
Les craintes.
C’est aussi perçu comme un signe de faiblesse et d’insécurité. Montrer ses émotions devrait être normal dans un couple, mais dans ces paramètres précis, se montrer vulnérable est difficile. La peur d’être rejeté est une des premières raisons à cela, car exprimer de la jalousie peut être perçu comme un rejet du modèle relationnel que l’on a choisi. Possessif, pas assez déconstruit ou toxique, voilà les adjectifs que l’on craint et qui nous poussent à intérioriser et garder le silence. Il faut aussi dire que la jalousie n’est pas une émotion que nous avons l’habitude de traiter, et la seule chose que nous savons, c’est qu’elle est mal vue.
Comprendre la jalousie.
Pour avancer dans une relation ouverte, polyamoureuse ou fétichiste, il faut d’abord comprendre ce sentiment, plutôt que de le refouler ou de le subir. Les émotions sont des messages que votre corps vous envoie, pour que vous puissiez agir là-dessus. Pour la jalousie, on peut la voir comme une alarme interne. Elle indique souvent un besoin non comblé, une peur profonde, une blessure encore ouverte, et se traduit de différentes façons. Voici quelques exemples :
- Peur de l’abandon : “Et si l’autre m’oubliait pour quelqu’un d’autre ?”
- Manque de reconnaissance : “Je me sens moins important.e que les autres partenaires.”
- Insécurité personnelle : “Je ne suis peut-être pas assez bien.”
- Déséquilibre émotionnel : “Je donne beaucoup, mais je reçois peu.”
La comparaison.
Maintenant que vous en connaissez l’origine, essayons de comprendre le message que votre corps vous envoie. Durant une relation ouverte ou polyamoureuse, la comparaison est une pente dangereuse dans laquelle nous avons tendance à facilement glisser selon notre personnalité. On se demande alors qui est le partenaire préféré ? Qui a le plus de temps, d’intimité, d’attention ? Pourquoi ce geste envers l’autre, et pas envers moi ? Un jeu mental épuisant et malsain qui vient en vérité du reflet de notre estime personnelle. Nous essayons de déterminer la valeur que l’autre nous accorde, à travers notre propre regard. Ainsi, plus notre estime de nous-même est basse, plus nous risquons d’être jaloux.
L’ego et le besoin de contrôle.
La jalousie est aussi nourrie par l’ego et notre envie de contrôler. Ce petit mécanisme intérieur qui veut toujours avoir raison, toujours être spécial, toujours être le ou la seule. Il joue un rôle central dans la jalousie, c’est cette petite voix qui vous murmure :
- Pourquoi pas moi ?
- Et si je n’étais plus aussi important.e ?
- Je pensais être spéciale, irremplaçable.
- Je devrais être unique.
Le sentiment de jalousie est aussi une tentative de prendre le contrôle en indiquant à l’autre ce que l’on souhaite de lui. Que ce soit en l’empêchant de voir une autre personne, de se rendre dans tel lieu, ou encore pour éviter de ressentir de la douleur. Mais pour autant, le sentiment qu’est l’amour ne se contrôle pas. Et dans les relations ouvertes ou polyamoureuses, vouloir tout cadrer mène plus souvent à la frustration et au conflit qu’à la paix. Ce besoin de tout maîtriser est en réalité un cri de notre insécurité intérieure.
La différence entre jalousie et envie.
On confond souvent jalousie et envie, mais ces deux émotions, bien que proches, ne sont pas les mêmes. L’envie naît du désir d’obtenir ce que l’autre détient, sans crainte de perte. Cela s’approche plus du désir que de la peur, contrairement à la jalousie. Celle-ci survient quand on a peur de perdre quelque chose ou quelqu’un qu’on possède déjà. Dans une relation polyamoureuse par exemple, l’envie peut être un avantage, cela vous donne la motivation pour créer de nouveaux moments intimes et d’explorer davantage avec les autres.
Les défis de la jalousie dans le polyamour.
Le polyamour, c’est aimer plusieurs personnes en même temps. De manière honnête bien sûr, et consentie. Ce type d’amour est préalablement prévu par deux partenaires qui ne souhaitent pas se limiter à la binarité classique. Vu comme ça, c’est assez simple, mais dans la réalité, c’est un terrain vague pour beaucoup qui découvrent généralement la jalousie après coup.
Parmi les défis du polyamour, il y a le mythe de “l’unique grand amour”. Alors, même en choisissant une relation polyamoureuse, nos réflexes émotionnels restent monogames. Voir son ou sa partenaire amoureux d’un autre peut réveiller un sentiment de menace, même si on est d’accord avec le principe. Et cela de manière incontrôlable. Vient ensuite la comparaison, comme vu précédemment, qui intensifie le sentiment d’insécurité. La comparaison est dure à éviter car nous sommes tous différents et nous avons un temps qui n’est pas infini, il est donc difficile de répartir l’attention que l’on offre à ses partenaires de manière égale. Un dernier défi, et pas des moindres, c’est de surpasser la jalousie. Dans les milieux poly, la jalousie est souvent perçue comme une faille personnelle, elle est donc souvent refoulée, créant ainsi une tension interne difficile à vivre dans le couple.
Comment gérer la jalousie : nos stratégies !
Cette tâche n’a rien de simple, mais elle est importante pour la survie de votre couple. Comme pour beaucoup d’autres émotions, il faut connaître le fonctionnement de celle-ci, les raisons, et comment les gérer pour reprendre le contrôle de soi. Plutôt que de la réprimer, s’abandonner à celle-ci ou l’enterrer, voici quelques stratégies pour l’apprivoiser et en faire votre alliée.
1. Prendre du recul sur la situation.
Comme vous l’avez compris, la jalousie est une émotion. Lorsqu’elle se manifeste, elle vous aveugle partiellement et vous n’êtes réceptif qu’à une partie de l’information. Vient alors une escalade de réactions impulsives, que vous finissez par regretter, parfois seulement quelques minutes après. Donc, la première chose à faire est de prendre un moment pour soi. Au lieu de réagir immédiatement, prenez du recul, prenez quelques secondes pour respirer lentement et profondément. Dites-vous que ressentir de la jalousie est humain et surtout ne vous culpabilisez pas d’avoir cette émotion, acceptez-la simplement.
2. Identifier les causes.
Plutôt que de se focaliser sur l’objet immédiat du malaise, demandez-vous : Qu’est-ce qui me dérange vraiment ? Pour gérer au mieux cette émotion, il est important d’en connaître son origine. Est-ce la peur de perdre votre partenaire ? Un besoin de reconnaissance ? Un sentiment d’insécurité ? En trouvant la cause de celle-ci, vous pouvez ensuite la traiter. Par exemple, si vous identifiez une insécurité qui vous lie à la jalousie, il peut être utile de travailler sur votre estime de soi. Si c’est une zone d’ombre dans la relation qui vous provoque cette émotion, essayez d’améliorer la communication.
3. Communiquer avec les autres.
Si vous êtes adeptes de nos articles, vous savez sûrement que la communication est la clé de toutes les relations. Cela s’applique d’autant plus aux relations non conventionnelles comme le polyamour ou les relations ouvertes. Plutôt que de garder pour soi votre jalousie, il est essentiel d’en parler ouvertement avec vos partenaires. Évidemment, de manière calme et respectueuse, ne l’abordez pas directement à chaud lorsque l’émotion se présente à vous. Accuser l’autre ou faire des reproches ne vous mènera nulle part, et votre partenaire n’essaiera pas de vous comprendre.
4. Réévaluer vos attentes et vos limites.
Les relations polyamoureuses paraissent toujours géniales en surface, mais une fois dedans, le ressenti peut être différent. L’importance dans ce type de relation, c’est de définir vos attentes et celles des autres parties. De cette manière, vous vous protégez d’une future incompréhension. Cela ne veut pas dire rigidifier la relation, mais plutôt s’assurer que tout le monde se sent entendu et respecté, ce qui permet de réduire les sources de jalousie. Si la jalousie est déjà intervenue dans la relation, discutez de vos besoins affectifs et clarifiez les choses qui ne vous ont pas plu chez les autres. Soyez évidemment à l’écoute de l’autre et de ses réponses pour assurer le bon déroulement du dialogue.
5. Travailler sur l’estime de soi.
Comme vu précédemment, la jalousie est parfois le reflet d’un manque de confiance en soi. Dans une période de doute ou d’insécurité, la jalousie peut devenir envahissante et insoutenable. Chercher à changer le comportement de votre partenaire en le contrôlant n’arrangera rien aux choses, pire, cela ne pourra que les empirer. Il faut donc prendre le problème à la racine. Premièrement, affrontez vos propres doutes vis-à-vis de vous-même. Identifiez vos peurs et travaillez à renforcer votre confiance en vous, que ce soit à travers des activités qui vous passionnent ou en prenant soin de vous. Ensuite, veillez à apporter de la valeur à l’autre en valorisant votre unicité. Le polyamour n’est pas une compétition à celui qui sera le plus aimé, c’est une complémentarité des partenaires.
6. Utilisez la jalousie à votre avantage.
Et si la jalousie n’était pas une ennemie, mais bien une alliée ? La jalousie est une émotion, c’est un message de votre corps, une information qui précède une réaction et des actes. Votre corps vous communique quelque chose, à vous de comprendre ce message. Dans le point numéro 5, nous avons vu que l’amour-propre est parfois responsable de ces doutes vis-à-vis des autres. Et si cette jalousie vous menait à vous dépasser et à changer vos perceptions de vous-même et de la relation ouverte ? Au lieu de laisser cette émotion nourrir la peur ou l’angoisse, demandez-vous comment vous pourriez en tirer quelque chose de positif. Peut-être que cela vous pousse à créer de nouveaux moments d’intimité avec votre partenaire, à renforcer certains aspects de votre relation ou même à explorer de nouvelles expériences ensemble.
Aimer plusieurs personnes : mission impossible ?
Aimer plusieurs personnes, c’est possible, et même naturel pour certains. On aime déjà plusieurs amis, plusieurs membres de notre famille, parfois même plusieurs passions. Pourquoi serait-ce différent en amour ? Mais bien sûr, quand il s’agit de relations amoureuses ou sexuelles, on entre dans une zone beaucoup plus chargée en émotions, en ego, et en attentes. Ce type de relation n’est pas mieux ou pire qu’une relation binaire, il faut simplement être prêt et informé avant de se lancer. Ce n’est clairement pas destiné à tout le monde, mais si vous avez tendance à être jaloux, ne vous fermez pas la porte pour autant. Aimer plusieurs personnes, c’est aussi recevoir plus d’amour, vivre plus d’expériences, se découvrir sous plusieurs angles. C’est apprendre que l’amour n’est pas une ressource limitée, mais un feu qu’on peut partager sans l’éteindre.
Conclusion.
La jalousie, dans les relations ouvertes, fétichistes ou polyamoureuses, n’est ni une faiblesse, ni une faute. C’est une émotion profonde, et parfois douloureuse, mais qui nous transmet une information sur nous-mêmes. Elle nous parle de nos peurs, de nos besoins, de nos désirs et de reconnaissance. Plutôt que de la fuir ou de la nier, il sera plus intéressant de l’accueillir avec bienveillance et de s’en servir comme d’un guide. Elle peut nous aider à mieux nous connaître, à communiquer plus clairement, à renforcer nos relations, et à bâtir une intimité basée sur la confiance et l’authenticité.
FAQ
1. Peut-on aimer équitablement plusieurs personnes ?
L’amour ne se divise pas, il se multiplie. Il n’est pas toujours “égal”, mais il peut être équitable : chaque relation est différente, unique, avec sa propre dynamique. Ce qui compte, c’est que chacun se sente respecté, écouté et valorisé dans la relation.
2. Comment en parler sans faire fuir mon ou ma partenaire ?
En utilisant la communication non violente : parlez en “je”, exprimez vos émotions plutôt que vos accusations. Par exemple : “Je me suis sentie mis·e de côté hier soir, et ça m’a fait de la peine.”
3. La jalousie est-elle incompatible avec le polyamour ou les relations ouvertes ?
Non, elle n’est pas incompatible. Au contraire, elle est souvent présente dans ces types de relations. L’important n’est pas de ne jamais être jaloux, mais d’apprendre à comprendre et à gérer cette émotion sainement.
4. Est-ce que je suis une “mauvaise” personne si je ressens de la jalousie ?
Absolument pas. La jalousie est une émotion naturelle et universelle. Elle ne vous définit pas, elle vous informe. Ce que vous en faites ensuite, c’est ça qui compte vraiment.
5. Mon/ma partenaire ne semble jamais jaloux·se. Est-ce qu’il/elle m’aime moins ?
Pas du tout. Certains ressentent moins de jalousie, ou la gèrent différemment. L’amour ne se mesure pas au degré de jalousie, mais à la qualité de l’engagement, de l’écoute et du respect mutuel.
6. Comment renforcer ma sécurité émotionnelle dans une relation ouverte ?
En travaillant sur votre estime de soi, en maintenant une communication honnête, et en construisant des rituels d’intimité avec votre ou vos partenaires. La sécurité émotionnelle vient autant de l’intérieur que de la relation elle-même.